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Gibier en France, inscrite à l'annexe II de la Directive Oiseaux, cette Perdrix est chassée en Isère depuis 1985, et dans quelques communes de Savoie depuis 1993, avec instauration d'un Prélèvement Maximal Autorisé En Haute-Savoie, l’année 2008 sera à marquer d’une pierre noire pour la Perdrix bartavelle depuis que les chasseurs ont réussi à réintégrer cet oiseau dans la liste des espèces chassables du département. En effet, par un arrêté du 19 août 2008, le préfet de Haute-Savoie a autorisé la reprise de la chasse à cette Perdrix, revenant ainsi sur les mesures de protection qui avaient été prises en 1971, consécutivement à une chute catastrophique de la population de cette espèce. Pourtant actuellement le niveau des populations de bartavelles est bien loin d’être suffisant pour mettre l’espèce à l’abri de la disparition dans la région.
Bien que les effectifs de la population de cette espèce soient toujours en déclin, la fédération des chasseurs de Haute-Savoie, en montrant qu’une légère recolonisation de territoire avait été mise en évidence par des comptages sur une poignée de communes du département, a invoqué un meilleur état de conservation de l’espèce pour demander la reprise de sa chasse. Pourtant, il est connu que les effectifs de bartavelles sont très affectés par les conditions climatiques. Ainsi, les hivers rigoureux et enneigés peuvent être aussi responsables de lourdes pertes, tout comme une pluviosité anormalement élevée pendant la période de couvaison ou d'élevage des jeunes. D’où risque d’effondrement des populations en cas de mauvaises conditions climatiques en hiver. Mais il est vrai qu’à la suite de deux hivers exceptionnellement doux et peu enneigés (1987-1988 et 1988-1989) suivis de saisons de reproduction déficitaires en pluie, s'est produit une recolonisation de certains massifs du nord des Alpes françaises où cette espèce était considérée comme éteinte dix ans plus tôt. (Bernard-Laurent & De Franceschi, 1994). Comme la population peut donc s’effondrer rapidement et massivement en cas de conditions climatiques hivernales difficiles, les prélèvements de la chasse se rajouteront donc aux pertes naturelles consécutives au manque de nourriture en hiver et aux autres Menaces qui affectent les bartavelles.
Avec ce genre de mesures, on comprend que les chasseurs, qui se présentent trop souvent comme des défenseurs de la nature et de la faune sauvage, se moquent totalement du risque encouru pour ces populations d’oiseaux si fragiles actuellement. Faudra-t-il assister passivement à la quasi-disparition des Alpes pour que les pouvoirs publics se décident enfin de la protéger intégralement ou faudra-t-il attendre que la perdrix bartavelle connaisse le même sort que le pigeon migrateur américain, totalement exterminé par les nemrods (1) transatlantiques au début du siècle, et ce, malgré des effectifs considérables à l’époque. Cette situation est à rapprocher de celle du Grand tétras, espèce elle-même en déclin qui a même disparu des Alpes et qui reste encore aujourd’hui chassable malgré un effondrement des populations dans notre pays.
Les chasseurs sont tellement peu sûrs de la validité de leur étude d’impact que la chasse a été ré-ouverte à titre “expérimental” pour la saison 2008, et malgré un plan de chasse très encadré sur le papier, donnant l’impression de donner toutes les garanties d’absence de risque que font courir ces prélèvements cynégétiques pour les oiseaux haut-savoyards.
Pour justifier cette reprise de la chasse, les chasseurs disent s’appuyer sur des comptages. Pourtant, ils reconnaissent que le protocole de comptage n’était pas valide au départ et que c’est essentiellement sur des données recueillies depuis 2003 qu’ils fondent leur conclusion. Donc sur une trop courte durée, pour obtenir des données fiables scientifiquement, d’autant que ce sont ces seuls chasseurs, qui sont juges et parties, pour garantir la validité de l’étude.
Pourtant à la lecture de ces dossiers, il apparaît pourtant que les chasseurs reconnaissent implicitement que le pic le plus bas des effectifs avait été atteint juste avant que des mesures de protection aient été prises en 1971, donc que la chasse était en grande partie responsable de la raréfaction des oiseaux. Il apparaît aussi clairement que les chasseurs reconnaissent que les études menées pour évaluer le niveau actuel des populations sont incomplètes, partielles et même insuffisantes pour connaître avec précision la dynamique actuelle des populations haut-savoyardes de bartavelles. Et pourtant, ils préconisent la reprise de la chasse !
Photographie Michel Barraz
Extraits des pseudo-rapports “scientifiques” des chasseurs de Haute-Savoie
Le chasseur Haut-Savoyard N° 29 août 2008
“À partir de 1970, une conjonction de plusieurs phénomènes (météorologiques notamment) ont conduit à la quasi-extinction de l'espèce sur les massifs de Haute-Savoie, pour conclure à sa protection dès 1971, Malgré ce statut d'oiseau protégé, la Fédération a maintenu son intérêt sur cette espèce, en assurant des comptages réguliers à partir du début des années 90”.
Extraits du Plan de gestion Fédération des Chasseurs de Haute-Savoie
“Les populations ont également connu une période de déclin qui a commencé dans les années 1960 et s'est amplifiée dans les années 1970. Cette période correspond à la fermeture de la chasse à la bartavelle sur le département de la Haute-Savoie (1974).”
“Aucun suivi de la reproduction de la bartavelle n'est actuellement réalisé sur la Haute-Savoie, en raison du statut de l'espèce. En effet, la détermination du succès annuel de la reproduction n'a véritablement d'intérêt que dans le cas d'une exploitation cynégétique, ce qui explique l'existence du programme OGM (2) / 012, qui coordonne les opérations menées sur tous les départements alpins qui chassent l'espèce (toutes les Alpes hormis la Haute-Savoie et Drôme). L'OGM (2) adresse chaque année à ses partenaires et aux Administrations un bilan démographique complet des travaux engagés, rapportés aux régions biogéographiques, de manière à fixer les niveaux de prélèvements admissibles pour chaque département
“Les populations ont également connu une période de déclin qui a commencé dans les années 1960 et s'est amplifiée dans les années 1970. Cette période correspond à la fermeture de la chasse à la bartavelle sur le département de la Haute-Savoie (1974).”
“Il y a quelques décennies, la présence de la bartavelle en France relevait presque du mythe pour le grand public. Puis, des études approfondies dans les Alpes méridionales, des enquêtes de répartition et les premiers suivis de populations ont été mis en place avec des protocoles adaptés. Ils ont révélé d'importantes variations de son aire en un demi-siècle et de fortes fluctuations annuelles d'effectifs”.
“Le renforcement du suivi patrimonial de cette espèce sur l'intégralité de son aire, au cours de la décennie de 90, permet désormais de mieux appréhender ces variations. Ces dernières sont surtout liées à la réussite de la reproduction, très dépendante des aléas météorologiques. Les données recueillies, si elles méritent encore d'être complétées et affinées (cartographie des habitats potentiels de reproduction à préciser, évaluation du succès de reproduction à développer sur davantage de territoire... ), peuvent déjà être utiles aux gestionnaires, notamment pour évaluer les prélèvements cynégétiques admissibles ou les opérations de réhabilitation ou de protection des habitats”.
“En se limitant à poursuivre les comptages sur un unique site de référence de quelques centaines d'ha (Roc d'Enfer), le risque est que l'on passe à côté de l'évolution spatiale de l'espèce (augmentation ou régression). C’est pourquoi un projet plus global de suivi de la population de bartavelle a été mis en œuvre à partir de 2003 à l'échelle de la région naturelle des Préalpes du Nord en Haute-Savoie, unité qui abrite la plupart des populations de ce département”.
“Aucun suivi de la reproduction de la bartavelle n'est actuellement réalisé sur la Haute-Savoie, en raison du statut de l'espèce. En effet, la détermination du succès annuel de la reproduction n'a véritablement d'intérêt que dans le cas d'une exploitation cynégétique, ce qui explique l'existence du programme OGM (2) / 012, qui coordonne les opérations menées sur tous les départements alpins qui chassent l'espèce (toutes les Alpes hormis la Haute-Savoie et Drôme). L'OGM (2) adresse chaque année à ses partenaires et aux administrations un bilan démographique complet des travaux engagés, rapportés aux régions biogéographiques, de manière à fixer les niveaux de prélèvements admissibles pour chaque département”.
Extraits de l'étude ONCFS sur la Perdrix bartavelle (4)
Les chasseurs haut-savoyards ont pu également s’appuyer sur des études de l’ONCFS (3), qui peuvent paraître assez inquiétantes quant à la santé des populations de Bartavelles :
Évolution de la répartition de l’espèce en France
“Entre 1964 et 1989, le nombre de communes de présence avait régressé de 29 %, surtout sur les marges nord et nord-ouest des Alpes. Au cours de la période 1990-99, la bartavelle a disparu sur 3 communes et, dans les Préalpes de Castellane et le Haut-Diois, elle n’est plus observée que de façon irrégulière sur une douzaine de communes où elle était signalée présente au cours de la décennie 1980. À l’inverse dans les Préalpes du Nord des observations sporadiques ont été réalisées dans des massifs (Dévoluy, Vercors) où l’espèce était mentionnée absente au cours de la décennie 80. En Haute-Savoie, elle a recolonisé 9 communes des Bornes-Aravis, d’Arve-Giffre et du Chablais”.
Mesures réglementaires en France
“La chasse est autorisée sur 4 des 7 départements de présence régulière de l'espèce. Elle est interdite dans les départements de la Drôme, de la Haute-Savoie et des Alpes de Haute-Provence. La bartavelle peut être chassée d’environ la mi-septembre jusqu’au plus tard le 11 novembre. Un plan de chasse légal a été institué à partir de 1987 en Isère, 1993 en Savoie, 2000 dans les Alpes-Maritimes et 2002 dans les Hautes-Alpes. Dans tous ces départements, un quota maximum d’oiseaux à prélever est fixé annuellement pour chaque attributaire. La commercialisation est interdite (arrêté interministériel du 20/12/83). La chasse ferme en temps de neige”.
* La chasse a été réouverte en Haute-Savoie en 2008
État des populations et menaces potentielles
“Les effectifs de bartavelle en France sont évalués actuellement à 4 000-6 000 adultes. Sur 16 sites de référence répartis sur les Alpes et suivis depuis au moins six ans, les effectifs sont en diminution dans 5 cas. Sur les 11 autres sites, la tendance n’est pas significative au plan statistique, mais elle est le plus souvent à la baisse (10 cas sur 11). Les effectifs peuvent subir des fluctuations importantes d’une année à l’autre”.
Propositions relatives à la chasse
“Depuis la saison de chasse 2002, la bartavelle est soumise au plan de chasse dans tous les départements où son tir est autorisé. Le calcul du prélèvement admissible s’effectue à partir de la connaissance de la densité de mâles sur une unité naturelle (massif, bassin versant) estimée par comptage des mâles au chant en mai et de l’indice de reproduction estimé par comptage avec chien d’arrêt des nichées et adultes sans jeunes en août sur un site de référence. Le taux de prélèvement admissible est compris entre 0 et 5 % si l’indice de reproduction est inférieur à 1 jeune par adulte, entre 5 et 15 % si l’indice de reproduction est compris entre 1 et 2 jeunes par adulte et entre 15 et 25 % si l’indice de reproduction dépasse 2 jeunes par adulte. Ces taux tiennent compte des pertes dues à la chasse qui sont évaluées à 25 % en moyenne. La répartition du quota d’oiseaux à prélever entre les attributaires est faite au prorata de la superficie d’habitat de reproduction potentiel”.
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Oiseaux menacés et à surveiller en France
D’autres études qui ne sont pas directement liées aux chasseurs eux-mêmes tirent aussi la sonnette d’alarme. Ainsi les études mentionnées dans “Oiseaux menacés et à surveiller en France (5) indiquent :
Perdrix bartavelle : en déclin
Catégorie SPEC 2 (7)
Catégorie CMAP 3 (8)
Effectif nicheur : ≤ 10000 couples, probablement fluctuant de plus de 20 % sans tendance bien définie depuis les années 1970. Distribution en diminution de 20 à 50 %.
Espèce inscrite à l'Annexe II Directive Oiseaux
Espèce inscrite à l'Annexe III Convention de Berne
Vulnérable en Europe (statut provisoire),
En Déclin en France. Moins de 10 % de l'effectif nicheur européen présents en France.
“La Perdrix bartavelle est un oiseau caractéristique des milieux ouverts et ensoleillés d'altitude, dont la pérennité est étroitement liée au maintien des activités pastorales. Des études à long terme sur la dynamique des populations doivent être encouragées a de mieux comprendre les fortes fluctuations démographiques et pouvoir ainsi prévenir les disparitions locales”.
“En limite occidentale de son aire de répartition, la Bartavelle occupe dans notre pays tous les départements alpins, de la Haute-Savoie aux Alpes-Maritimes, en continuité avec les populations de Suisse et d'Italie. Les données quantitatives relatives aux effectifs nicheurs sont encore incomplètes à l'échelle nationale. Sur la bordure méridionale des Alpes françaises, en contact avec la Perdrix rouge, Alectoris rufa rufa, se rencontrent des hybrides ou Perdrix rochassières”.
“La comparaison des aires de répartition française en 1964 et en 1989 (Couturier, 1964 ; Magnagni et al., 1990) révèle une certaine stabilité de la distribution de l'espèce dans les massifs alpins internes et sa réduction très marquée sur les marges au nord, nord-ouest et ouest des Alpes françaises. Toutefois, on observe depuis 1988-1989 une recolonisation de certains massifs favorables en Savoie et en Haute-Savoie. Des dénombrements effectués au printemps (décennies 1980 et 1990) sur une quinzaine de sites montrent une certaine stabilité des effectifs, à l'exception des Alpes-Maritimes où une nette régression est constatée depuis 1994 (A. Bernard-Laurent, comm. pers.). La présence de la Bartavelle a été notée dans 8 ZICO qui totalisent probablement plus de 60 % l'effectif national (Rocamora & Thauron, 1992). Trois Parcs Nationaux (Mercantour PAC 24, Écrins PAC 27, Vanoise RA 11) abritent plusieurs centaines de couples chacun".
"En Europe, les effectifs ont diminué dans tous les massifs, y compris ceux de la chaîne alpine (France, Italie et Suisse) depuis les années 1960”.
Notes de renvoi
(1) Nemrods : Chasseurs
(2) OGM : Observatoire des Galliformes de Montagne
(3) ONCFS : Office Nationale de la Chasse et de la Faune Sauvage
(4) ONCFS Perdrix bartavelle - A. Bernard-Laurent
(5) Oiseaux menacés et à surveiller en France G. Rocamora - D. Yeatman-Berthelot - Ed. SEOF/LPO (6)
(6) SEOF/LPO : Société d’Études Ornithologique de France/Ligue pour la Protection des Oiseaux
(7) SPEC (Species of European Conservation) : Voir Niveau de vulnérabilité
(8) CMAP (Espèce dont la Conservation Mérite une Attention Particulière) : Voir Niveau de vulnérabilité
Sources documentaires
• Les oiseaux de Suisse - L. Maumary, L. Valloton et P. Knauss - Édition Nos Oiseaux
• Oiseaux menacés et à surveiller en France - G. Rocamora et D. Yeatman-Berthelot - Édition SEOF/LPO
• Oiseaux nicheurs de Rhône-Alpes - Édition CORA
• Inventaire des Oiseaux de France - P.J. Dubois, P. Le Maréchal, G. Olioso et P. Yésou - Édition Nathan
• Document ONCFS : La Perdrix bartavelle - A.Bernard-Laurent
• Proposition d'un plan de gestion de la Perdrix bartavelle - Fédération des chasseurs de Haute-Savoie
• Guides des Oiseaux de France et d’Europe - R. Peterson - Édition delachaux et niestlé
• Guide ornitho - L. Swensson - Édition delachaux et niestlé
• Oiseaux de France et d’Europe - Rob Hume - Édition Larousse
• Les oiseaux d’Europe - L. Jonssson - Édition Nathan
• Les oiseaux d’Europe - C. Perrins et M. Cuisin - Édition delachaux et niestlé
Liens externes
Status UICN : la Perdrix bartavelle
ONCFS : Perdrix bartavelle
OGM : ONCFS
Directive Oiseaux : Wikipedia
Directive Oiseaux : Droit et protection de la nature en France
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